Trajectoire stabilisée
Douai, Flins, Mulhouse, Rennes et autres Sochaux restent des hauts lieux de la production automobile française. Mais ces bastons de Citroà«n, Peugeot et Renault rappellent aussi que, de plus de 3,2 millions de voitures assemblées en 2005, ils sont arrivés à 1,7 million en 2015. Et qu'il s'agisse de course à la rentabilité ou d'indispensables adaptations aux nouveaux marchés (Chine, Amérique du Sud...), la délocalisation intellectuelle (ingénierie, design, maintenance informatique€¦) a souvent suivi celle de la production, avec près de 45 sites dans le monde.
Renault reste le moins local des tricolores avec environ 25 % de ses voitures particulieÌ€res assembleÌes sur notre territoire contre presque 35 % pour PSA. Si DS, devenue marque aÌ€ part entieÌ€re en 2014, voit ses trois modeÌ€les (DS3, 4 et 5) fabriqueÌs chez nous, leurs ventes s'essoufflent et son prochain SUV familial premium « made in Mulhouse » n'arrivera que deÌbut 2018. Citroën, amputeÌe de ses hauts de gammes DS, est en pleine recomposition de son catalogue et ne compte plus que 3 modeÌ€les sur 10 fabriqueÌs en France. Et ils sont en fin de vie (berlines C4 et C5). Reste que son treÌ€s attendu SUV familial, l'Aircross, commercialiseÌ deÌbut 2018, va eÌ‚tre fabriqueÌ aÌ€ Rennes. De quoi renforcer la charge d'une usine fragiliseÌe (ses 508 et C5 sont en fin de cycle) mais qui deÌmarre actuellement la production du nouveau 5008. Un monoplace devenu un SUV 7-places et qui sera lanceÌ en mars 2017 !
D'ailleurs, les best-sellers du lion sont treÌ€s tricolores avec un 2008 produit aÌ€ Mulhouse ou le nouveau 3008 aÌ€ Sochaux (deÌjaÌ€ 25 000 commandes aÌ€ fin octobre) aux coÌ‚teÌs de l'excellente 308 (5 portes et break). Une familiale compacte vendue aÌ€ plus de 240 000 exemplaires l'an passeÌ... suivie de preÌ€s par un « Made in France » inattendu, la Yaris. En effet, la citadine japonaise, produite aÌ€ deux pas de Valenciennes pour toute l'Europe, plaiÌ‚t d'autant plus qu'elle est la seule mini aÌ€ proposer une version hybride essence sobre comme un chameau !
Alors que les manitous de Renault et PSA n'ont cesseÌ de marteler que la production de petites berlines dans l'hexagone n'offrait pas de rentabiliteÌ suffisante, le N° 1 nippon deÌmontre le contraire depuis 15 ans. Et se voit meÌ‚me emboiÌ‚ter le pas par Nissan, l'allieÌ de Renault, qui deÌmarre la production de sa nouvelle Micra aÌ€ Flins (78), alors que la preÌceÌdente version, archeÌtype du moins-disant automobile, venait d'Inde ! Il est vrai que le pacte de compeÌtitiviteÌ de 2012 a passablement « flexibiliseÌ » les conditions de travail en usine, obligeant toutefois, en eÌchange, Renault et PSA aÌ€ garantir un certain niveau de production jusqu'en 2019. Et Nissan de participer ainsi aÌ€ la promesse du Losange.
On citera aussi Mercedes qui reÌalise ses Smart biplaces Fortwo aÌ€ Hambach (67) mais ouÌ€ la garantie de l'emploi jusqu'en 2020, s'est faite contre un retour aux 39 heures hebdomadaires. Tandis qu'aÌ€ l'autre bout du spectre, l'allemand Volkswagen a retenu Molsheim - site historique de Bugatti - pour le montage final de la treÌ€s eÌlitiste Chiron qui remplace la non moins rare Veyron (450 ex. sur 10 ans). Deux hyper-cars dont tous les constituants sont issus du groupe VW qui a sauveÌ la marque française en 1998. Enfin, n'oublions pas que nos constructeurs excellent dans les utilitaires leÌgers (Kangoo, Traffic, Expert, Jumpy...), une activiteÌ lucrative et bien maiÌ‚triseÌe qui attire meÌ‚me les concurrents (Nissan, Opel, Mercedes, Toyota...). Ainsi, ces derniers n'heÌsitent pas aÌ€ rebadger les productions de Renault aÌ€ Maubeuge (59) ou Sandouville (76) et celles de Peugeot-Citroën aÌ€ Hordain (59) pour eÌtoffer leurs catalogues.
Cette industrie automobile preÌ€s de chez nous s'aveÌ€re, au final, un puzzle geÌant qui serait treÌ€s diffeÌrent sans les nombreux sites d'usinage de moteurs et transmissions, tels ceux de Renault-CleÌon (76), de Peugeot-Citroën aÌ€ TreÌmery (57), la Française de MeÌcanique aÌ€ Douvrin (62) ou le site de boiÌ‚tes de vitesses Ford-Getrag aÌ€ Blanquefort (33). Sans oublier les dizaines de milliers d'emplois suppleÌmentaires que procurent nos eÌquipementiers qui sont le plus souvent aÌ€ l'origine des innovations proposeÌes par les marques automobiles (Valeo, Plastic Omnium, Faurecia...) et, bien suÌ‚r, les manufacturiers de pneus, tel Michelin et ses concurrents eÌtrangers installeÌs en France (Dunlop, Bridgestone...).
Alors si l'on ne peut espeÌrer une folle expansion du « made in France » automobile, plusieurs sorties sur des creÌneaux porteurs (SUV citadins et familiaux chez Citroën et Peugeot) ou lancements embleÌmatiques (nouvelle Alpine et future grande berline Peugeot en 2017, premier SUV DS de l'histoire...), dessinent une consolidation apreÌ€s des anneÌes de baisse. Sans oublier qu'il faut concevoir, deÌvelopper et tester ces voitures avant de les fabriquer en France ou ailleurs. Le « Invented in France » a donc aussi son importance. On ne peut que s'en feÌliciter. Car au-delaÌ€ des plus de 220 000 salarieÌs que compte ce secteur, ce sont 2 millions d'emplois induits (commerce, transport, entretien, communication, assurance...) qui en deÌcoulent.